Présidence : Yves Frenette, Université de Saint-Boniface
François-Olivier Dorais, Université du Québec à Chicoutimi
Danielle Gauvreau, Université Concordia
Allan Greer, Université McGill
Matteo Sanfilippo, Università della Tuscia
Présidence : Yves Frenette, Université de Saint-Boniface
François-Olivier Dorais, Université du Québec à Chicoutimi
Danielle Gauvreau, Université Concordia
Allan Greer, Université McGill
Matteo Sanfilippo, Università della Tuscia
Patrick Noël, Université de Saint-Boniface
La thématique du congrès offre une occasion de s’interroger sur la place de l’événement dans le discours que les historiens tiennent sur leur savoir. En cela, cette communication participe à un programme plus large en théorie de l’histoire cherchant à élucider la nature de l’histoire comme discipline en tenant compte de l’input des historiens que les philosophes de l’histoire ont longtemps ignoré : l’épistémologie naturalisée de l’histoire. Lorsque les historiens prennent parole non pas sur le passé, mais sur le savoir disciplinaire en fonction duquel ils produisent une connaissance empirique, est-ce que la question de l’événement est abordée? Comment et pourquoi les historiens et les historiennes traitent-ils de cette question lorsqu’ils disent ce qu’ils font? Cette communication ne se veut pas un exercice d’historiographie analysant la place de l’événement dans les études empiriques historiennes ni une spéculation abstraite sur l’événement, mais une enquête sur l’événement comme un enjeu des représentations que les historiens et les historiennes se font d’eux-mêmes et de leur savoir disciplinaire, à partir du corpus documentaire des écrits réflexifs parus dans la Revue d’histoire de l’Amérique française entre 1947 et aujourd’hui. S’arrêter sur la question de l’événement permet notamment aux historiens de spécifier leur identité disciplinaire par rapport aux (autres) sciences sociales, de se pencher sur l’équilibre entre les structures sociales et l’agencivité individuelle, de s’interroger sur la place du récit et de la temporalité et d’examiner la tension entre le nécessaire et le contingent. Véritable enjeu-carrefour, l’événement est un prisme essentiel pour comprendre le rapport discursif que les historiens entretiennent avec leur «métier».
Marie Zissis, Université de Montréal et Sorbonne Université
Si, en 1763, « le Traité de Paris bouleverse l’Amérique », la Révolution française crée une rupture sociale et politique en Europe et n’a pas été sans conséquence pour la diaspora noble canadienne. Dans cette communication, j’étudierai comment la Révolution bouleverse le mode de vie des nobles canadiens installés en France. En effet, en « rentrant » en Europe, un de leur objectif était de pouvoir continuer à vivre leur noblesse selon le modèle traditionnel français, sur un territoire où elle est légalement et socialement reconnue. Pour illustrer mon propos, je me baserai sur l’expérience de trois frères issus de la noblesse canadienne : François-Joseph, Louis-René et Gaspard-Roch-Georges Chaussegros de Léry. Après la Cession, leur père les envoie en France afin qu’ils suivent leur vocation nobiliaire militaire. Cependant, la Révolution redistribue les cartes, et la noblesse française, déjà en difficulté, doit s’adapter pour ne pas disparaître et tenter de rester au sommet de la hiérarchie sociale. C’est d’autant plus violent que les nobles canadiens sont encore souvent en phase d’adaptation. On peut alors se poser la question suivante : comment la noblesse canadienne installée en France se réinvente-t-elle après 1789 ? À partir des parcours très différents des ainés Chaussegros de Léry, j’étudierai ces différents mécanismes de réinvention ainsi que les effets de la Révolution sur leur habitus noble et sur les réseaux de sociabilité dont ils dépendent. Je traiterai des conséquences de 1789 sur chaque frère, puis, à travers l’étude du mariage et des différents réseaux sociaux, j’examinerais les modes de sociabilité noble.
Karine Pépin, doctorante en histoire, Université de Sherbrooke et Sorbonne Université
Lors d’une conférence prononcée en anglais à Toronto en avril 1922, le premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau fait l’apologie de la noblesse canadienne en insistant sur le fait qu’elle occupe toujours le premier rang de la société (Grenier, 2019). Or, celle-ci s’est considérablement transformée depuis la cession de la Nouvelle-France, la période préindustrielle ayant en effet laissé peu à peu place à l’ère industrielle. La Conquête, au premier chef, est un événement central qui influence le devenir des descendants nobles du régime français (Gadoury, 2013 ; Imbeault, 2013 ; Larin, 2013 ; Legault, 2002). L’Acte de Québec, l’Acte constitutionnel, les rébellions de 1837-1838, l’Acte d’Union, la Confédération et la Grande Guerre sont d’autres événements qui incitent ces familles et leurs membres à se renouveler. Quelle(s) place(s) trouvent les descendants de la noblesse canadienne d’Ancien Régime dans le nouvel échiquier social, politique et économique? Si, dans le cadre de notre doctorat, le devenir de la noblesse s’étudie dans le temps long afin de mieux saisir ses transformations, l’événement doit aussi y avoir une place prépondérante, car certains bouleversent le parcours de familles ou d’individus. En ciblant quelques-unes des 97 familles nobles du Canada présentes en 1774 (Gadoury, 2013), cette communication a pour objectif de présenter les résultats préliminaires de nos recherches portant sur les niveaux d’adaptation de ces nobles aux changements de la société, de la Conquête à la Grande Guerre, en misant sur l’apport conjugué de la longue durée et de l’histoire événementielle. Quelles attitudes adoptées ont été porteuses de succès, d’insuccès ou d’un entre-deux? Quel héritage les descendants nobles perpétuent de la période révolue de la Nouvelle-France? Les cas des Taschereau et des Salaberry, respectivement étudiés par Brian Young (2014) et Virginie Chaleur-Launay (2019), invitent à penser que d’autres familles ont pu se maintenir dans la longue durée et exercer une autorité durable dans différentes sphères d’influence, ce que cette communication propose d’explorer.
Raphaël Bergeron-Gauthier, étudiant à la maîtrise en histoire, Université de Sherbrooke
La Conquête britannique a occasionné des changements considérables dans la pratique des affaires à Québec. Ces mutations concordent, d’une part, avec le départ de près du tiers de l’élite canadienne (Larin et Bienvenue, 2014) et, d’autre part, avec l’arrivée des commerçants britanniques qui profitent du changement de régime pour s’immiscer dans ce marché (Pronovost, 1998 ; Dessureault, 2018). Dans les décennies qui suivent cet événement, les marchands britanniques s’imposent, allant jusqu’à contrôler 75% du commerce de la colonie (Ouellet, 1966). Cette situation, qui est presque de l’ordre du monopole, a forcé beaucoup de commerçants plus modestes, tant francophones qu’anglophones, à se retirer des affaires (Dickinson et Young, 2009). Toutefois, certains Canadiens, dont Joseph Drapeau (1752-1810), ont été en mesure de performer dans ce marché en dépit de cette conjoncture. Son influence dans la région de l’Île d’Orléans, par exemple, était telle qu’un siècle après son décès, lorsque les insulaires désiraient parler d’un homme riche, ils disaient « riche comme le défunt seigneur Drapeau (Roy, 1926) ». L’objectif de cette communication est d’explorer cette époque de transformations commerciales dans la colonie, et plus spécifiquement à Québec, à travers la trajectoire individuelle de Joseph Drapeau en établissant le portait des activités marchandes de ce dernier entre 1770 et 1790. À partir d’un éventail de sources variées (journaux, actes notariés, archives judiciaires, relevés de comptes, etc.), nous dresserons le portrait de ces comportements en tant que marchand tout en considérant l’impact de la Conquête et de ses suites sur son parcours. Ce sera l’occasion d’expliquer comment il a été en mesure de faire sa place dans une économie dominée par la bourgeoisie marchande britannique. Ces affaires sont d’ailleurs l’assise sur laquelle s’érigera son patrimoine seigneurial au cours des deux dernières décennies de sa vie.
Hubert Cousineau, étudiant à la maîtrise en informatique appliquée à l’histoire, Université de Sherbrooke
Jean Corsin dit Prêt-à-boire est un soldat du régiment de La Sarre ayant combattu en Nouvelle-France lors de la guerre de Conquête. Il fait partie des 7 878 militaires des troupes de Terre françaises envoyés défendre la colonie (Projet Montcalm 2009). Entre 1755 et 1760, ces hommes comme Jean Corsin combattent les Britanniques durant la période estivale et retraitent chez les habitants canadiens durant la période hivernale : « Pour certains, l’expérience dura 5 ans et pour d’autres 50 jours » (Lépine, 2009). Lorsque la colonie rend les armes, les soldats français sont démobilisés et mis pour la plupart sur des bateaux vers la France. Jean Corsin échappe toutefois à ce retour. Quelques jours après la capitulation de la colonie, il épouse Marie Anne Vertefeuille dit Bachand dans la paroisse de L’Assomption et il s’implante dans la région où il devient menuisier et cultivateur. Au cours de son union et des deux autres qui suivront, l’ancien soldat devient père de 16 enfants avant de s’éteindre à Saint-Roch-de-l’Achigan en 1802. Son parcours n’est toutefois pas unique. Jean Corsin voit également un minimum de 555 compagnons d’armes s’enraciner durablement dans la colonie après la défaite. L’objectif de cette communication est d’explorer ces parcours migratoires et l’influence de la guerre de Conquête sur leur établissement dans la vallée du Saint-Laurent au courant de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Pour y arriver, une application numérique mets à profit les données du Projet Montcalm, du PRDH et du Fichier Origine pour cartographier numériquement ces cheminements migratoires. Entièrement réalisée dans le cadre d’un projet de maîtrise, l’application est maintenant disponible gratuitement sur le web.
Présidence : Alex Tremblay Lamarche, Université Laval et Université libre de Bruxelles
La Cession de la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne constitue à bien des égards un événement qui a eu un impact majeur sur la société canadienne, comme sur la production historienne. Si les structures sociales, hiérarchisées, inégalitaires et patriarcales restent fondamentalement les mêmes jusqu’au milieu du XIXe siècle, le « poids » de la Conquête se ressent différemment d’un groupe à l’autre. L’impact de cet événement est particulièrement perceptible pour la noblesse et les commerçants francophones, alors que le mode de vie des paysans reste plus ou moins inchangé à long terme. Tout en se diversifiant progressivement grâce à l’arrivée de nouvelles élites britanniques, la population canadienne accueille simultanément des centaines de soldats des troupes de Terre françaises décidant de s’implanter dans la colonie nouvellement passée à la Couronne britannique. En utilisant une double échelle, familiale et globale, cette séance propose d’explorer cette période de transition dans une perspective d’adaptation au nouveau contexte colonial, à l’instar du renouveau historiographique montrant que les effets de la Conquête sont plus complexes et ambigus que l’on pourrait penser (Fyson, 2010; Ruggiu, 2013; Imbeault, 2014).
Présidence: Léon Robichaud, Université de Sherbrooke
Participants·tes:
Dominique Deslandres, Département d’histoire, Université de Montréal
Cathie-Anne Dupuis, Département d’histoire, Université de Montréal
Jean-Pierre Le Glaunec, Département d’histoire, Université de Sherbrooke
Émilie Monnet, Productions Onishka
En 1960, Marcel Trudel publie aux Presses de l’Université Laval L’Esclavage au Canada Français. Histoire et conditions de l’esclavage. Dans le compte rendu qu’il en fait, Jean Hamelin décrit l’œuvre ainsi : « Cette histoire de l’esclavage au Canada français ne manque pas d’originalité ni d’audace. Il fallait se sentir une âme de bénédictin pour entreprendre la chasse aux esclavages à travers les registres paroissiaux, les journaux et les archives judiciaires. Il fallait aussi un certain goût du risque. Car le sujet, pour passionnant qu’il était, posait un difficile problème de sources. » Il félicite l’auteur notamment pour « avoir su tirer le maximum d’une documentation aussi disparate ». Soixante ans après cette publication qui sert encore de référence, quel est l’état des recherches sur l’esclavage en Nouvelle-France et au Bas-Canada? Des spécialistes de divers domaines (culture, genre, démographie, esclavage) se penchent sur le legs de cet ouvrage et sur les chantiers qui restent à ouvrir.