Raphaël Bergeron-Gauthier, étudiant à la maîtrise en histoire, Université de Sherbrooke

La Conquête britannique a occasionné des changements considérables dans la pratique des affaires à Québec. Ces mutations concordent, d’une part, avec le départ de près du tiers de l’élite canadienne (Larin et Bienvenue, 2014) et, d’autre part, avec l’arrivée des commerçants britanniques qui profitent du changement de régime pour s’immiscer dans ce marché (Pronovost, 1998 ; Dessureault, 2018). Dans les décennies qui suivent cet événement, les marchands britanniques s’imposent, allant jusqu’à contrôler 75% du commerce de la colonie (Ouellet, 1966). Cette situation, qui est presque de l’ordre du monopole, a forcé beaucoup de commerçants plus modestes, tant francophones qu’anglophones, à se retirer des affaires (Dickinson et Young, 2009). Toutefois, certains Canadiens, dont Joseph Drapeau (1752-1810), ont été en mesure de performer dans ce marché en dépit de cette conjoncture. Son influence dans la région de l’Île d’Orléans, par exemple, était telle qu’un siècle après son décès, lorsque les insulaires désiraient parler d’un homme riche, ils disaient « riche comme le défunt seigneur Drapeau (Roy, 1926) ». L’objectif de cette communication est d’explorer cette époque de transformations commerciales dans la colonie, et plus spécifiquement à Québec, à travers la trajectoire individuelle de Joseph Drapeau en établissant le portait des activités marchandes de ce dernier entre 1770 et 1790. À partir d’un éventail de sources variées (journaux, actes notariés, archives judiciaires, relevés de comptes, etc.), nous dresserons le portrait de ces comportements en tant que marchand tout en considérant l’impact de la Conquête et de ses suites sur son parcours. Ce sera l’occasion d’expliquer comment il a été en mesure de faire sa place dans une économie dominée par la bourgeoisie marchande britannique. Ces affaires sont d’ailleurs l’assise sur laquelle s’érigera son patrimoine seigneurial au cours des deux dernières décennies de sa vie.