Stéphane Roussel, École nationale d’administration publique

La société québécoise entretient une culture stratégique qui tend à converger avec celle du Canada anglais, en ce sens qu’elle embrasse les principes de « l’internationalisme libéral » (importance des institutions, du multilatéralisme et du droit, maintien de la paix). Toutefois, une différence notable subsiste dans l’attitude des deux groupes en ce qui a trait à la décision d’engager des troupes dans des missions de combat outre-mer. Cette communication vise à démontrer que cette différence, résiduaire, mais tenace, trouve ses racines dans les expériences historiques propres à la société québécoise francophone, qui ne font pas partie de l’imaginaire collectif canadien anglophone.

Deux ensembles d’idées, hérités de cette expérience distincte, sont abordés. Le premier est la « culture stratégique du perdant. » Elle fait référence à deux grands traumatismes inscrits dans la mémoire collective québécoise, soit la défaite de 1759 et celle de 1837-1838. De ces défaites, la société québécoise aurait retenu que la guerre est une entreprise inutile, hasardeuse et humiliante.

Le second, la « culture stratégique de la Survivance », se manifeste surtout par des prédispositions à l’antiimpérialisme. Pour survivre en tant que collectivité après 1838, les Canadiens français se seraient repliés sur eux-mêmes. Cette culture stratégique inscrit donc une révulsion à l’idée d’aller se battre pour défendre les intérêts britanniques ou américains.

Enfin, ce processus a entrainé la minimisation d’épisodes historiques tels que la « petite guerre » en Nouvelle-France ou la contribution des Québécois aux guerres auxquelles le Canada a participé.