Pierre Lavoie, postdoctorant, Université du Québec à Montréal et Yale University

En décembre 1936, le crooner Rudy Vallée, vedette de la radio américaine, débarque au Mount Royal Hotel pour une série de spectacles, accompagné de ses Connecticut Yankees et d’une troupe d’artistes de variétés. La campagne publicitaire diffusée dans les médias francophones et anglophones repose sur l’idée que Vallée, le fils d’un Franco-Américain de la Nouvelle-Angleterre, est de retour chez les siens. Or, il s’agit de la première visite de Vallée à Montréal, lui qui avait jusqu’alors évité de miser sur son ethnicité pour promouvoir sa personnalité publique. Or, la campagne construite autour de l’événement que représente la venue de Vallée  par Colin A. Gravenor, relationniste, et par Vernon G. Cardy, gérant du Mount Royal Hotel, obtient un succès mitigé. Cet échec doit être compris à la lumière d’un contexte transnational et de critères d’évaluation esthétiques et identitaires conflictuels. C’est que Vallée est à l’époque un porte-étendard de l’américanisation culturelle au Québec, mais est lui-même le produit d’une tout autre forme d’américanisation, celle des migrants et de leurs descendants établis aux États-Unis à la fin du 19e siècle et contraints à s’intégrer à la culture nationale américaine.