Présidence: Pierre Lavoie, Université du Québec à Montréal et Yale University
L’événement musical, qu’il s’agisse d’un concert, d’un festival ou de la parution d’un album-phare, occupe une place de choix dans la mémoire publique du Québec. Tel succès commercial d’une chanson de « La Bolduc » ou tel spectacle de la Saint-Jean-Baptiste deviennent, dans la mise en récit de l’identité collective, un symbole de solidarité ou un indice annonciateur de changements politiques à venir. Si ces interprétations mémorielles s’avèrent souvent téléologiques et exagérées, il demeure que l’événement musical, qu’il soit scénique ou médiatique, témoigne de la groupisation réelle d’individus autour d’idées, de luttes, de goûts, de désirs, de plaisirs. Dans le cadre de cette séance, nous proposons de retourner sur elle-même cette définition, un peu comme on le ferait avec un disque vinyle, en nous intéressant à la signification historique de non- événements musicaux : l’échec commercial et l’oubli de la première réussite de synchronisation musique-image au Canada par Roméo Beaudry en 1929 ; le succès mitigé de la campagne publicitaire entourant la venue de la vedette franco-américaine Rudy Vallée à Montréal en 1936 ; et la déroute des festivals pop organisés à travers le Québec en 1970, à un moment pourtant fort de la mouvance contre- culturelle locale. Ces non-événements nous permettent de soulever plusieurs questions historiographiques, parmi lesquelles : Comment inscrire ces événements invisibles ou invisibilisés dans un discours valorisant le patrimoine musical d’une culture donnée? Et que nous révèlent-ils sur les luttes sociales et politiques qui se (re)dessinent et se (re)structurent au sein de la sphère publique culturelle? Le non-événement musical, compris ici comme catégorie historique, se distingue ainsi par sa qualité rhizomatique ; même s’il n’est pas marquant en lui-même et n’entraine pas nécessairement un changement majeur, dirigé, défini, il devient pour l’historien.ne un point de connexion entre différentes structures culturelles, sociales et politiques.